Alors que les pilotes partent en vacances, qu’en est-il des usines ? Quel est l’impact du break estival sur le monde de la Formule 1 ?

Depuis l’ouverture de la saison en mars, la F1 a déjà disputé 14 Grand-Prix. En ce début de mois d’août, l’heure des vacances et du repos a sonné. Le monde de la Formule 1 se met en pause pendant presque l’entièreté du huitième mois de l’année. Une période très importante dans l’agenda des pilotes afin de se reposer ou bien de faire un pas de côté pour se poser les bonnes questions et rebondir. L’idée est similaire pour les membres du personnel des écuries. Quelques semaines de répit, qui sont de plus en plus contrôlées.
L’article 24.1 du règlement sportif oblige cette pause pour les dix équipes (bientôt onze) du plateau. Elle leur est imposée sur une période de 14 jours consécutifs entre le 14e et 15e Grand-Prix de la saison. Le règlement laisse une mince liberté de choix aux équipes afin qu’elles puissent planifier ces 14 jours au meilleur moment. En réalité, l’agencement du calendrier force les usines à prendre congé quasiment en même temps, à un ou deux jours près.
Pendant ces deux semaines, il est interdit aux équipes de travailler sur quoi que ce soit concernant le développement et la performance de la monoplace de l’année courante ou bien des années suivantes, sous peine de sanctions. Le directeur technique de Mercedes, James Allison résume grossièrement. « Nous n’avons pas le droit de travailler, de réfléchir ou de faire quoi que ce soit qui puisse rendre une F1 plus rapide. En gros, ça veut dire qu’on peut rentrer chez nous et prendre 14 jours de vacances consécutifs ! »
Le règlement est strict au point de formellement interdire des appels, des vidéoconférences ou bien même des échanges d’e-mails à ce sujet. Les mêmes règles sont appliquées aux motoristes.
Les usines sont-elles réellement fermées ?

© Red Bull Content Pool
Quand on sait que les équipes sont obligées de prendre 14 jours consécutifs d’inactivité, on pourrait penser que les usines sont fermées, cadenas à la porte. Ce n’est pas tout à fait vrai. Certaines équipes profitent de ces temps sans émulation dans les manufactures pour procéder à un nettoyage en profondeur. Seulement les secteurs liés à la performance des monoplaces sont ciblés par les congés forcés, tout le reste ne l’est pas. Il est donc possible d’assurer la maintenance des installations, mais également d’investir pour les réparer ou les améliorer. De même pour le parc informatique de l’écurie.
Dans certains cas exceptionnels, une équipe peut obtenir une autorisation de la FIA afin de réparer certaines monoplaces ayant été gravement endommagées. Les services marketings, administratifs, juridiques, quant à eux ne sont pas non plus concernés par cette trêve obligatoire. Malgré tout, grande partie des membres du personnel profitent de l’occasion pour prendre deux semaines de congé bien méritées.
« Environ 95% du personnel est à la plage, explique Rob Thomas, directeur des opérations à l’usine Mercedes de Brackley, grand sourire aux lèvres. Mais il se passe beaucoup de choses et les gens ne s’en rendent pas compte. »
« Il y a beaucoup de planification avant ces deux semaines précieuses. C’est le seul moment où l’on peut faire des choses que l’on ne fait pas le reste du temps en étant tout le temps la tête dans le guidon. Ça paraît évident mais c’est une période où l’on remet tout en état, un peu comme on révise sa voiture. »
« On peut couper l’électricité une journée entière sans que ça ne perturbe les opérations. Notre ˋshutdown´ commence le samedi à 6h du matin et, quand la dernière personne quitte le site, une armée d’ouvriers arrive. Ils essayent de nettoyer autant que possible. À l’atelier d’usinage, chaque machine est entretenue. Le système de climatisation, l’éclairage et le chauffage font l’objet d’un entretien annuel. Tout ce qui doit être réparé est réparé, et nous repeignons même le sol pour que, lorsque les gens reviennent deux semaines plus tard, ils trouvent que ça a beaucoup changé et que c’est chouette ! »
Quelle est l’importance du ˋshutdown’ en F1 ?

Deux raisons primaires ont conduit la FIA à instaurer une trêve estivale autant réglementée. Il s’agit tout d’abord de contribuer à limiter les coûts des écuries. En coupant l’électricité des manufactures pendant deux semaines, le chiffre sur les factures sera moins élevé. Qui plus est, depuis l’introduction du plafond budgétaire en Formule 1 depuis 2021, ce précieux ˋshutdown’ fait d’autant plus de sens.
De nos jours, la Formule 1 se veut de plus en plus soucieuse des conditions de travail du personnel des écuries. Après 14 Grand-Prix, le personnel montre forcément des signes de fatigue. Alors que le calendrier de courses s’allonge d’année en année, jusqu’à atteindre le record des 24 courses cette saison, la F1 considère la recharge de batterie primordiale. En incitant toute la fourmilière du sport à prendre congé, il y a plus de chance que les membres des écuries entament les 10 dernières manches restantes (qui plus est dans plusieurs continents différents et avec son lot de jet lag) à tête plus reposée.
La FIA fait confiance aux équipes.
Pour ce point du règlement, comme pour un grand nombre d’autres, c’est à la FIA de contrôler le respect de chacune des 10 équipes envers le ˋshutdown’. L’instance dispose de nombreux moyens de contrôle mais préfère miser sur une relation de confiance avec les écuries.
« C’est comme beaucoup de choses en Formule 1 où il est très difficile pour la FIA d’appliquer une surveillance directe. C’est donc en grande partie l’intégrité des écuries qui est en jeu. Si une équipe venait à tricher, si l’on venait utiliser la soufflerie, ce serait très dur de le cacher, car il y a beaucoup de mouvement de personnel entre les équipes et choses s’autorégulent naturellement. (…) La FIA a toujours la possibilité de venir à tout moment pour voir ce que l’on fait, mais je ne crois pas que ce soit déjà arrivé. Je n’ai jamais non plus entendu de rumeur selon laquelle une autre écurie serait restée active » conclut Rob Thomas.
En somme, la trêve estivale est un moment très calculé par les équipes et qui ne cache pas son lot de réglementations, comme tout en Formule 1.

